Les Challenges Du Pilotage Opérationnel De La Marge Dans Le Secteur De La Grande Distribution

Les Challenges Du Pilotage Opérationnel De La Marge Dans Le Secteur De La Grande Distribution

Les Etats Généraux de l’alimentation (EGA) ont débuté le lundi 02/10/2017 et déjà des propositions ressortent avec pour objectif de répartir différemment la valeur dans la chaîne agroalimentaire. Certains groupes ont pris des initiatives dans ce sens en se fournissant, par exemple, par la coopérative “C’est qui le patron’’ pour certaines de leurs marques distributeur. L’objectif de la coopérative est de fixer le prix de sa production afin de garantir un revenu équitable à ses producteurs. Le président d’une enseigne majeure de la Grande Distribution en France a d’ailleurs commenté: “La raison d’être d’un distributeur n’est pas de proposer des produits moins cher mais des produits de qualité au meilleur rapport qualité/prix.”[1]

L’encadrement des promotions, le seuil de revente à perte et la répercussion du prix des matières premières sont autant de variables qui sont susceptibles de modifier la répartition de la valeur pour les acteurs de la chaine agroalimentaire: Ces propositions pourraient avoir de réels impacts sur la rentabilité des grandes enseignes de distribution.

Vers Un Pilotage Toujours Plus Fin Des Marges

Dans ce contexte de nouvelle répartition de la valeur, il est essentiel pour les acteurs de la grande distribution de maitriser au mieux leurs coûts et de piloter leurs marges de façon fine afin de maximiser leur rentabilité, de s’adapter aux nouveaux modes de consommation, et d’être capable de réagir aux évènements internes et externes. La marge est d’ailleurs impactée à plusieurs étages: au niveau de l’offre, des instruments commerciaux, du coût des ventes ou des démarques notamment.

Les Perturbations Opérationnelles à L’attaque De La Marge

​Avec une offre en constante évolution, de nouvelles difficultés apparaissent dans le suivi des marges sous la forme, par exemple, de produits assemblés sur place (bar à salade, jus de fruit pressés,…). Ici, les articles générant du revenu sont différents des articles constituant les matières premières. Par exemple dans le cas d’un bar à salade, les différents accompagnements sont achetés individuellement à des prix variables alors que le produit final, l’assiette composée, porte un prix de vente fixe. Déterminer le niveau de rentabilité d’une telle offre implique donc de regrouper l’ensemble des ingrédients et le revenu généré afin de déterminer la marge de l’ilot. Cependant, comment déterminer les ingrédients les plus plébiscités lorsque l’on mélange le tout et approvisionner en conséquence?

​La grande distribution se livre à une guerre sans merci dont les moteurs sont l’évolution des attentes des consommateurs ainsi que les modalités de fidélisation, tandis que les armes sont des prix compétitifs et des offres promotionnelles toujours plus ciblées. En effet, les promotions sont génératrices d’impulsions d’achat au point de vente (43% des clients achètent un produit en promotion bien qu’absent de leur liste, source SOGEC). Il existe aujourd’hui de nombreux types de remises immédiates comme “-10% sur un rayon,” “1 acheté 1 offert,” “3 produits pour le prix de 2,” et bien d’autre encore ….[2]

A noter d’ailleurs que les industriels portent à eux seuls 80% de ces offres promotionnelles. Les enseignes de distributions doivent ensuite faire la distinction dans leurs calculs de marge entre les promotions financées, non financées, et sur les produits de leur marque distributeur.

L’une des propositions issues des EGA visent d’ailleurs à fixer un maximum sur les remises clients de 34% sur les produits de grande consommation par rapport au prix payé par le consommateur.

En plus des réductions pour les porteurs de carte de fidélité, d’autres promotions prennent la forme de remise cagnottées qui permettent aux consommateurs de cumuler des euros afin de les utiliser sur les produits de leur choix. Il y a dès lors une dissociation de l’article générant la remise et l’article sur lequel le client va utiliser ses points cagnottés. Il est donc nécessaire d’aligner les outils de pilotage avec les besoins du management afin de produire des informations fiables et pertinentes sur ces nouveaux instruments. Cet alignement peut induire en fonction des cas la mobilisation du contrôle de gestion, des métiers et de la DSI en cas notamment d’évolution sur les outils informatiques.

D’autre part, tous les modèles de gestion ne sont pas identiques et la gestion du rayon ‘Presse’ est un bon exemple de gestion d’un stock donc le magasin n’est pas actuellement propriétaire. En général, ces produits ne sont pas détenus par le distributeur et celui-ci annule donc les stocks d’invendus à la fin de chaque période au lieu de les passer en démarques. Le reporting de ce type de rayon doit être construit avec ce modèle en tête afin de donner une vision réaliste de la performance.

​Au-delà du suivi du flux des ventes et du coût des achats qui nécessitent une attention constante, des évènements tels que les inventaires, les changements de législation (IFRS), les erreurs de livraison, ou les erreurs de réception, peuvent impacter de manière significative la rentabilité de certains articles ou rayons et en déformer la performance économique. Il est alors nécessaire d’identifier la cause de ces évènements pour déterminer leurs impacts et leurs probabilités d’occurence. Le but étant la maîtrise des coûts récurrents et la mise en place de plan d’action lorsque la survenue d’évènements non récurrents est constatée.

​Aujourd’hui, tous les départements de l’entreprise sont responsabilisés pour améliorer la gestion de leur stock et leur rentabilité, qu’il s’agisse des centres de profits ou des centres de coûts. Afin d’optimiser le pilotage de ses départements ou de ses produits, une pratique de l’industrie de la distribution consiste à attribuer aux articles un coût logistique (facturation interne) correspondant aux activités des Achats. Ainsi l’entreprise fixe des objectifs à ses centres de coûts, dans le cas présent les Achats, pour permettre un pilotage des magasins qui n’est pas influencé par les fluctuations des achats de matières premières. Deux marges cohabitent donc, une marge ‘Achats’ qui inclut tous les frais correspondant à la vente (promotions, frais de transport et d’entreposage, 3net,…) et une marge ‘Magasin’ qui ajoute les coûts logistiques. L’entreprise prend ainsi en compte un élément de coût indirect significatif dans son calcul de marge et permet d’inclure l’analyse de ce département clé de sa chaîne de valeur.

​L’augmentation du poids des produits frais dans le CA des hyper-marchés avec +1.5% de 2010 à 2016, pour une contribution de 9.9%,[3] implique un pilotage beaucoup plus fin afin de limiter les démarques connues liées aux Dates Limites de Consommation (DLC) ou les démarques inconnues constatées lors des inventaires. De plus avec les nouveaux enjeux de rentabilité sur des prix toujours plus bas, les démarques impactent directement et de manière significative les résultats des magasins; elles doivent donc être suivies au plus près. Un taux de démarque trop important signale un approvisionnement inadapté aux besoins du magasin. Ainsi, un suivi des indicateurs de démarques à un niveau fin (article, jour, magasin) permet de détecter très rapidement la source d’écart qui peut indiquer un problème de stock, de gestion, d’approvisionnement ou d’offre commerciale.

Conclusion

Dans un contexte de guerre des prix intense entre les acteurs de la grande distribution et d’évolution constante du cadre réglementaire qui tente de modifier le rapport de force dans la chaîne de valeur agroalimentaire, le pilotage de la marge demeure un élément clef de la rentabilité des grands groupes de distribution. Les outils de pilotage doivent donc être réactifs, pertinents, et fiables et adaptables afin de donner aux responsables de magasins et au management les informations nécessaires en temps réel pour ajuster ou renforcer leurs actions.

La maîtrise et le suivi fin des composantes de la marge, ainsi que des sources potentielles de ‘perturbations opérationnelles’ qui peuvent induire des biais dans le reporting, sont essentiels au même titre que l’évolution des processus, des méthodes et des outils. Les nouvelles solutions digitales permettent de traiter de très larges volumes de données ou de remonter des informations en quasi-temps réel sur les stocks ou les niveaux de démarques par exemple. Néanmoins cette révolution digitale, qu’il semble désormais indispensable de mener, doit être réalisée dans un contexte global d’amélioration de la performance. Les experts Business Process Improvement de Protiviti vous accompagnent au jour le jour pour faire évoluer vos pratiques, fiabiliser vos processus et maximiser l’efficacité de votre reporting.

[1]AFP - Le lait équitable ‘’C’est qui le patron ?!’’ accentue sa percée dans la distribution - 02/10/2017

[2]SOGEC - 1er baromètre SOGEC de la promotion - 29/10/2014

[3]Linéaires/Nielsen - Les rayons qui se développent en hypers - 27/02/2017

Leadership

Bernard Drui
Bernard Drui est Managing Director et Country Market Leader chez Protiviti France. Il a plus de 25 ans d'expérience dans le monde des affaires, travaillant avec une variété d'organisations pour améliorer leur performance par la gestion des risques, l'efficacité ...
Nicolas Barrois
Nicolas is a French Director in the Paris office, with 15 years of experience in business performance improvement for Financial Services. His first experience was with Andersen Consulting France, first for SAP implementation, then for finance shared services ...
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