Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD)

Le 28 novembre, le Conseil de l'Union européenne (UE) a donné son approbation finale à la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive - CSRD) après son adoption par le Parlement européen le 10 novembre 2022. Elle exigera des entreprises la publication de nouvelles informations et rapports standardisés et détaillés en matière de durabilité. 1 La CSRD présente une évolution significative par rapport à la précédente directive sur les informations non financières (Non Financial Reporting Directive -NFRD), qu'elle remplace, et dont elle dépasse les exigences, à la fois par le nombre d'entreprises concernées - d'environ 12 000 aujourd'hui à environ 50 000 - et par la portée des informations à publier en matière de durabilité.

L'UE s'est fixée pour objectif, dans le cadre du Green Deal européen, de faire de l'Europe le premier continent neutre sur le plan climatique. 2 Les informations sur la durabilité exigées par la CSRD joueront probablement un rôle crucial dans la transformation vers la neutralité climatique en devenant la base des décisions d’investissement.

Après la signature de l'acte législatif par le président du Parlement européen et le président du Conseil, la directive CSRD sera publiée au Journal officiel de l'Union européenne et entrera en vigueur 20 jours plus tard. " Les États membres de l'UE auront 18 mois pour transposer la directive en droit national.

Contexte

L'objectif de la CSRD est de faire en sorte que les entreprises fournissent les informations en matière de durabilité au service des investisseurs mais aussi des autres parties prenantes. L'accent est mis sur l'amélioration de la standardisation, de l'auditabilité et de la responsabilisation dans le reporting, tout en accentuant la démarche d'harmonisation avec d'autres réglementations existantes - le règlement sur les informations relatives au financement durable à publier dans le secteur financier (Sustainable Finance Disclosure Regulation -SFDR) et le règlement sur la taxonomie en particulier.

La directive CSRD exige un niveau de détail nettement supérieur à celui de la NFRD et d'autres normes ou référentiels sur le développement durable. En substance, elle place le reporting de durabilité au même niveau que le reporting financier.

Les exigences de reporting de la CSRD seront spécifiées dans les normes européennes de reporting sur le développement durable (European Sustainability Reporting Standards - ESRS), qui devraient être publiées au cours du premier semestre 2023. Ces normes définiront en détail ce que les entreprises devront déclarer, y compris les indicateurs clés de performance (ICP/KPI). Le Groupe consultatif pour l'information financière en Europe (EFRAG), en sa qualité de conseiller technique de la Commission européenne, a adopté le premier ensemble de normes ESRS et l'a remis à la Commission européenne pour approbation le 22 novembre 2022. 3 Après examen final, la Commission devrait adopter les projets ESRS en tant qu'acte délégué, ce qui signifie un amendement ou un complément à la législation. Pour les entreprises entrant dans le champ d'application de la CSRD, la mise en œuvre des normes commencera au cours de l'exercice 2024 en fonction de critères spécifiques, comme décrit ci-dessous.

Que contient la CSRD ?

La CSRD exige l'inclusion du rapport de durabilité de l'entreprise dans une section dédiée du rapport de gestion. Le rapport doit fournir les informations nécessaires pour comprendre à la fois les impacts de l'entreprise sur les questions de durabilité (perspective interne-externe) et la manière dont les questions de durabilité affectent le développement, la performance et la position de l'entreprise (perspective externe-interne). Le cas échéant, il devra contenir des références et commentaires relatives à d'autres informations de durabilité figurant dans le rapport de gestion ou dans les états financiers annuels, ainsi que des explications supplémentaires à leur sujet.

Les informations communiquées doivent tenir compte des horizons temporels à court, moyen et long terme et inclure l'ensemble de la chaîne de valeur de l'entité, y compris ses propres opérations, produits et services, ses relations commerciales et sa chaîne d'approvisionnement, et couvrir notamment :

  • Le modèle d'entreprise et la stratégie concernant les questions de durabilité, y compris :
    • La résilience du modèle d'entreprise et de la stratégie face aux risques imprévus.
    • Les opportunités liées à la durabilité.
    • Les plans visant à garantir que le modèle d'entreprise et la stratégie sont compatibles avec la transition vers une économie durable et l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5° C, conformément à l'accord de Paris.
    • Comment les intérêts et les impacts des parties prenantes sur les questions de durabilité sont pris en compte dans le modèle d'entreprise et la stratégie.
    • Comment la stratégie a été mise en œuvre.
  • Les objectifs assortis de délais et les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs.
  • Le rôle des organes d'administration, de gestion et de contrôle et leur expertise et compétences pour remplir ce rôle.
  • Les politiques relatives aux questions de durabilité et aux systèmes d'incitation.
  • Le processus de diligence raisonnable mis en œuvre (c'est-à-dire les principaux impacts négatifs réels ou potentiels liés aux activités de l'entreprise et à sa chaîne de valeur, ainsi que les mesures prises pour identifier et suivre ces impacts et pour les prévenir, les atténuer, y remédier ou y mettre fin). 4

En outre, les entreprises concernées par ces obligations de déclaration devront également se conformer à l'article 8 du règlement de l'UE sur la taxonomie, qui établit un système de classification dans l'UE pour identifier les activités économiques considérées comme durables.

Quelles sont les entreprises concernées ?

Les nouvelles règles de publication d'informations en matière de durabilité s'appliqueront à toutes les grandes entreprises et à toutes les sociétés cotées sur les marchés réglementés de l'UE, à l'exception des micro-entreprises cotées. Ces entreprises sont également chargées d'évaluer les informations applicables à leurs filiales - une vue consolidée.

Les règles s'appliquent aux PME (petites et moyennes entreprises) cotées, en tenant compte de leurs caractéristiques spécifiques. Un opt-out sera possible pour les PME cotées pendant une période transitoire, les exemptant de l'application de la directive jusqu'en 2028.

Outre les sociétés cotées, les sociétés non cotées qui emploient plus de 250 personnes et réalisent un chiffre d'affaires de plus de 40 millions d'euros (ou, dans le cas des institutions financières, un actif total de plus de 20 millions d'euros) sont également soumises à la CSRD.

Les sociétés non cotées devront inclure les informations requises dans leur rapport de gestion. À terme, l'UE établira un répertoire unique européen (European Single Access Point -ESAF) pour la collecte de ces informations. 5

Pour les entreprises non européennes, l'obligation s'applique à toutes les entreprises réalisant un chiffre d'affaires net de 150 millions d'euros dans l'UE et ayant au moins une filiale ou une succursale dans l'UE dépassant certains seuils. Par conséquent, les multinationales qui font des affaires dans l'UE sont également concernées.

Quand la déclaration commence-t-elle ?

Le calendrier prévisionnel de mise en application des exigences en matière de durabilité se décline comme suit :

  • Déclaration en 2025 (exercice 2024) pour les entreprises actuellement soumises à la NFRD.
  • Rapport en 2026 (exercice 2025) pour les entreprises qui ne sont pas soumises à la NFRD mais qui répondent aux critères du champ d'application définis ci-dessus.
  • Déclaration en 2027 (exercice 2026) pour les PME cotées, à l'exception des micro-entreprises, des petits établissements de crédit non-complexes et des compagnies d'assurances captives.
  • Déclaration en 2029 (exercice 2028) pour les entreprises non-européennes ayant des succursales ou des filiales dans l'UE, telles que définies dans la section précédente.
  • Possibilité de dérogation/opt-out pour les PME cotées en bourse, avec une première application possible au cours de l'exercice 2028. (Ces entreprises sont exemptées jusqu’en 2028).

Relation entre la directive et les autres référentiels relatifs à la publication d'information en matière de durabilité

La CSRD ajoute un ensemble complet d'exigences à celles déjà existantes ou en cours dans d'autres parties du monde. Par exemple, la Securities and Exchange Commission des ÉtatsUnis a publié une proposition en vue de la publication d'informations liées au climat pour consultation, avec une position finale attendue avant la fin de 2022. En outre, l'International Sustainability Standards Board (ISSB) a reçu plus de 1 300 lettres de commentaires sur ses deux propositions de normes de publication sur la durabilité, qu'il prévoit de publier dès que possible en 2023 6 .

L'ISSB travaille actuellement avec la Commission européenne et l'EFRAG afin de maximiser l'interopérabilité de leur référentiel et d'aligner les principales informations climatiques à publier.

Concepts clés de la CSRD -

La double matérialité est la base des informations à publier en matière de durabilité / ESG

Si la matérialité est un critère clé pour les publications de durabilité, elle est aussi la pierre angulaire pour la définition et la mise en œuvre de la stratégie de durabilité/ESG de l'organisation. La CSRD promeut le concept de double matérialité : les entreprises doivent rendre compte non seulement de la manière dont les questions de durabilité peuvent créer des risques financiers pour l'entreprise (matérialité financière), mais aussi de l'impact de l'entreprise sur les parties prenantes et l'environnement (matérialité de l'impact).

Pour répondre aux attentes des diverses parties prenantes qui ont besoin d'informations sur la performance d'une organisation en matière ESG, les entreprises doivent rendre compte des éléments de durabilité qui sont importants du point de vue financier pour l'entreprise, du point de vue de leurs impacts, ou des deux le cas échéant (perspective outside-in et inside-out).

La publication des rapports de durable doit être réalisé dans le rapport de gestion (rapport intégré).

La CSRD exige que le rapport de durabilité fasse partie du rapport de gestion (intégré) en tant que section spécifique. En outre, le rapport doit être lisible et exploitable numériquement. Les chiffres et informations clés seront transmis et publiés dans un format numérique standardisé. À cette fin, les informations sur la durabilité doivent être labellisées conformément au format électronique unique européen (ESEF).

Une obligation d'audit (assurance limitée) est destinée à améliorer la qualité de l'information.

Pour vérifier que les entreprises se conforment à ces nouvelles exigences en matière de reporting, il est prévu qu’un auditeur ou un certificateur indépendant produise un rapport sur les informations relatives au développement durable et sur leur conformité aux standards adoptées par l'UE. Dans un premier temps, une assurance limitée sera requise pour les informations sur le développement durable. Au fil du temps, le degré d'assurance exigé devrait augmenter progressivement, passant d'une assurance limitée à une assurance raisonnable. La Commission adoptera des normes d'assurance raisonnable au plus tard le 1er octobre 2028, après une évaluation visant à déterminer si l'assurance raisonnable est effectivement réalisable par les auditeurs et par les entreprises. 7

Des pénalités sont imposées en cas de non-conformité

Si une société déclarante ne respecte pas l'obligation de publier les informations, des sanctions peuvent être imposées sous forme d'amendes.

En guise de conclusion provisoire

Il n'y a pas de temps à perdre. La CSRD et les ESRS introduisent de nouvelles exigences de divulgation étendues en matière de durabilité / ESG pour nombre d'organisations plus importants que jamais auparavant. Ces informations devront être fournies de manière standardisée, avec la même rigueur que les informations financières. Elles devront être publiées dans le rapport de gestion et faire l'objet d'un audit (en commençant par une assurance limitée, mais en passant progressivement probablement à une assurance raisonnable).

Le calendrier prévu pour la transition impose aux entreprises la nécessité d'agir rapidement. À ce stade, les questions de durabilité/ESG doivent faire partie des priorités et être intégrées à la gouvernance, la prise de décision, l'évolution du modèle d'affaires d'une organisation, tout en établissant les conditions d'un haut niveau de transparence dans ses activités. La publication d'informations fiables sur la durabilité nécessitera un programme de transformation robuste et global. Pour se préparer correctement, les organisations concernées devront :

  • Évaluer leur situation actuelle et concevoir une stratégie de durabilité qui constituera la base pour se conformer aux nouvelles exigences en matière de publication.
  • Développer des indicateurs clés de performance cohérent avec la mise en œuvre de cette stratégie.
  • Effectuer une analyse des lacunes / points de remédiations à traiter dans une feuille de route spécifique pour produire l'information de durabilité requise.
  • Mettre en place un dispositif de gestion de projet pour transformer l'organisation et produire les reportings.

Jusqu'à ce qu'une plus grande harmonisation soit réalisée, les entreprises doivent actuellement faire face à plusieurs normes de durabilité différentes. En fin de compte, l'objectif de la CSRD est d'aider les organisations à être plus durables et à avoir un impact positif sur l'environnement et la société ; les entreprises devraient donc saisir cette opportunité pour être non seulement conformes mais aussi efficaces.

Lisez le texte complet de la directive à l’adresse :

https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-35-2022-INIT/fr/pdf

1 Council gives final green light to corporate sustainability reporting directive - Consilium (europa.eu)

2 European Climate Law (europa.eu)

3 https://www.efrag.org/News/Public-387/EFRAG-delivers-the-first-set-of-draft-ESRS-to-the-European-Commission

4 CSRD, Article 19a, https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-35-2022-INIT/fr/pdf

5 https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/06/29/easier-access-to-corporate-information-forinvestors-council-agrees-its-position-on-a-single-access-platform/

6 https://www.ifrs.org/news-and-events/news/2022/11/issb-cop27-progress-implementation-climate-related-disclosurestandards-in-2023/

7 CSRD, Article 26a (3), https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-35-2022-INIT/fr/pdf

Leadership

Bernard Drui
Bernard Drui est Managing Director et Country Market Leader chez Protiviti France. Il a plus de 25 ans d'expérience dans le monde des affaires, travaillant avec une variété d'organisations pour améliorer leur performance par la gestion des risques, l'efficacité ...
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